LA RENTABILITE DE L’ENTREPRISE
Tout investissement dans l’entreprise et tout financement de ses activités, reposent sur la perspective d’une certaine rentabilité future. Ainsi, les services compétents de l’entreprise doivent évaluer la rentabilité des opérations envisagées. Une question ne mérite-t-elle pas d’être posée ? Celle de savoir ce qu’il y a autour de cette notion de rentabilité ?
Il semble assez logique de mesurer la rentabilité du capital pour bien comprendre le fonctionnement des unités capitalistes. Donc, des unités dont l’efficacité dépend pour la grande part de la récolte du capital accumulé.
Par ailleurs, les économistes ne sont ni d’accord sur la définition de l’objet que l’on doit mesurer, ni sur le sens qu’il convient de donner au résultat de cette mesure. Dans ce sectarisme basé sur la conception du mot capital, deux groupes s’élèvent en parallèle.
Le premier définit le capital comme facteur de production et pense que le revenu de ce facteur a quelque chose à avoir avec sa productivité.
Le second quant à lui, estime que si le capital n’est pas considéré comme tel, son revenu est un prélèvement sur les richesses produites.
La finalité de toute entreprise est d’être rentable. A priori, la mesure de la rentabilité apparaît simple : un rapport entre le résultat net et l’ensemble des moyens mis en œuvre.
Par contre, dès qu’il s’agira de quantifier, des divergences apparaissent et frisent le paradoxe des rentabilités : faciles à définir et à comprendre ; mais difficiles à mesurer et à interpréter. Pour l’actionnaire, le résultat c’est d’abord le dividende qui lui est versé ; pour le financier, c’est le bénéfice net après impôt ; pour l’Etat, c’est le bénéfice avant impôt et enfin du point de vue de la performance économique, c’est la valeur ajoutée par l’entreprise.
Quant aux facteurs à prendre en compte, il peut s’agir des capitaux propres, des capitaux permanents, ou aussi de l’actif économique. Bref, chaque indicateur a sa logique et correspond à une conception de l’efficacité de la firme.
Fort de ces controverses, la rentabilité est une notion que chacun des groupes précédemment évoqués utilise à sa guise en fonction du rôle et de la considération qu’il a de l’entreprise et de l’entrepreneur. Cela est amplement suffisant pour que dans son ouvrage, l’Economique I, Paul Anthony SAMUELSON nous mette en garde contre la tyrannie des mots et affirme même que les mots peuvent nous trahir parce que nous n’y réagissons pas dans un esprit de neutralité.
C’est pourquoi la nécessité d’une définition opérationnelle s’impose inéluctablement pour organiser une suite logique de ce travail.
Jean-Yves CAPUL et Olivier GARNIER définissent la rentabilité comme le rapport réalisé entre les profits et les capitaux engagés pour arriver à ce résultat.
Pour COLI et BERNARD, ce rapport est l’expression de l’aptitude d’un capital placé ou investis à produire un revenu exprimé en termes financiers. Tout de même, la rentabilité peut s’apprécier sur un plan bien différent : celui de l’avantage en monnaie et du bénéfice pécuniaire que l’on retire de l’activité.
Ainsi définie, la rentabilité correspond à ce que les Américains et leurs frères d’armes Britanniques appellent : « profitability » qui vient du mot anglais « profiteer » et signifie faire des bénéfices excessifs.
Dans cette mesure, la production est rentable lorsque les services produits, une fois vendus et tous les services payés, il reste un gain à l’entrepreneur. Les détails qui suivent s’articuleront autour de cette dernière considération.
L’étude des possibilités d’action de l’entreprise passe par l’étude de ses marges d’exploitation. Le niveau et les fluctuations de celles-ci doivent, pour influencer une décision, être expliqués grâce à l’étude de la gestion stratégique de l’entreprise. Est aussi pris en compte l’environnement, dans ses rapports de forces, de menaces ou d’opportunités.
Cette même étude passe aussi par l’examen de l’actif économique et de son évolution par rapport à la croissance des activités. Elle aboutit donc à l’étude de la rentabilité de l’actif économique. Cet indicateur de profit reste très important dans la mesure ou il compare, sur une base annuelle, la performance économique des capitaux de l’entreprise. Il permet aussi d’apprécier la création de valeur sans laquelle l’entreprise est appelée à végéter.
A l’heure actuelle, ou le monde est sous l’harnache de la mondialisation, il faut soutenir l’évolution poussée ces 25 dernières années des critères de rentabilité. Le temps n’est plus ou TERBORGH pouvait écrire, nous citons : « la plupart des chefs d’entreprises se contentaient le plus souvent des pratiques se confinant à la superstition ». Comme pour peindre l’irrationalité des dirigeants d’entreprises de son temps.
Toutefois, les critères traditionnels de rentabilité utilisés par beaucoup d’unités économiques étaient largement empiriques et approximatifs ; se rattachant à deux types.
Pour les uns, c’est l’indice de rentabilité du projet, considéré comme taux de profit. Pour les autres, c’est la période de remboursement des capitaux. En d’autres termes, la durée du cycle des capitaux.
Ces fondements sont de divers ordres. La liste des auteurs ayant pris part à la discussion est assez longue pour que nous puissions vous la présenter. Tout de même, il faut noter qu’encore ici se dressent deux groupes non étroitement divergents.
Le premier a préconisé l’usage du taux interne de rendement, et le second a préconisé l’usage du critère de la valeur nette. Les raisons motivant motivants la préférence pour l’un ou l’autre de deux critères sont de plusieurs ordres.
Tantôt les auteurs se fondent sur l’analyse plus macroéconomique que microéconomique, mettant l’accent sur les conséquences que pourraient entraîner l’adoption généralisé d’un critère sur l’économie toute entière. Tantôt, ils se situent au niveau des qualités intrinsèques de deux critères.
Les uns font intervenir des questions d’ordre pratique pour justifier leur préférences ; telle que la facilité de calcul (par exemple la préférence qu’auraient les patrons de raisonner en terme de taux plutôt qu’en terme de valeur absolue).
Les autres mettent l’accent sur des hypothèses sous-jacentes à chacun de deux critères de rentabilité et les difficultés d’ordre théorique qu’elles engendrent.
Pour cette étude, nous négligerons totalement, dans le cadre des développements qui suivront, les arguments d’ordre théorique qui ont pu favoriser l’un ou l’autre critère ; tout en limitant notre préférence aux arguments d’ordre pratique. Nous les adapterons ensuite aux données récoltées sur le terrain en vue de les analyser.
BREMOND, J. et GELEDAN, A., Dictionnaire des théories et mécanismes économiques, Hatier, Paris, 1984, PP. 47-48.